Comprendre ce qu’est l’esprit critique
Si le mot critique a souvent une connotation négative - on pense directement à toutes ces remarques désobligeantes que l’on s’inflige les uns les autres - il dérive en fait du grec kritikē (κριτική), qui désigne avant tout l’art du discernement. Imaginez : votre cerveau produit tous les jours des pensées, qui sont la synthèse de vos connaissances, de votre expérience et de vos croyances, sans que vous ayez à lui donner l’ordre de les produire. C’est le moment de faire preuve d’esprit critique, c’est-à-dire de prendre du recul par rapport à ces pensées… L’esprit critique qui fait partie des processus cognitifs complexes, est alors une démarche volontaire, consciente et dirigée que vous allez entreprendre pour sortir de votre subjectivité et tendre vers davantage d’objectivité. Cette démarche exigeante peut s’étendre aussi envers les pensées et les idées qui vous entourent de manières plus larges.
Tout le monde a tendance à faire naturellement preuve d’esprit critique, cependant, pour être vraiment efficace, l’esprit critique a besoin de s’appuyer sur des faits et preuves. Il cherche à voir les différentes facettes d’une question et les passer au crible de la raison. On est loin du ressenti, de l’émotion.
Pourquoi il est important d’avoir l’esprit critique
On n’est pas des moutons
Faire preuve d’esprit critique est bénéfique pour tous : nous pouvons éviter les erreurs de raisonnement, mais aussi prendre conscience de l’influence des personnes et des émotions sur nos modes de pensée, sans nous laisser berner. Un peu d’esprit critique nous aide notamment à :
- Lutter contre les rumeurs infondées, les fake news et les fausses croyances. Il nous permet de vérifier la véracité des informations qui nous sont transmises sur les réseaux sociaux, mais aussi via nos proches, nos amis, etc.
- Nous construire un avis et lutter contre le conformisme, la manipulation et l’endoctrinement. On peut prendre le temps de se construire son propre avis sur différents sujets, et ainsi prendre notre part dans le débat.
- Éviter de tomber dans le piège de la subjectivité. La pensée critique peut nous permettre de prendre du recul par rapport aux idées reçues et réactions que nous dictent nos sens et nos émotions, qui nous rendent parfois irrationnels !
- Inventer, être créatif, changer les choses. L’esprit critique nous permet de remettre en question certains acquis, nos façons de penser qui pourraient être transformées ou améliorées.
L’esprit critique au service des organisations
Vous l’aurez compris, l’esprit critique a aussi toute sa place en entreprise : pour avancer, les structures ont grandement besoin d’objectivité et de rationalité ! L’utilisation de la pensée critique est au service des évolutions, innovations et transformations. Il n’est pas toujours évident cependant d’exprimer son avis ou d’oser remettre en question l’existant au sein d’une entreprise, et c’est bien normal. En effet, les notions de hiérarchie et d’obéissance en entreprise peuvent parfois venir freiner un peu ou inhiber l’exercice de la pensée critique des subordonnées envers les idées et décisions de leurs managers ou employeurs. Cependant, la pensée critique reste indispensable pour guider les décisions à toutes les échelles.
C’est notamment un savoir-faire valorisé sur les postes liés à la stratégie, la direction et au management : savoir se remettre en question, faire preuve de recul, mais aussi d’esprit critique est essentiel dès qu’il y a des décisions d’envergure à prendre. Être capable de prendre du recul sur ses idées ou celles de son équipe et de varier les points de vue est particulièrement important quand on arrive à un certain niveau de la hiérarchie où personne n’ose plus rien nous objecter ! Un bon esprit critique semble aussi très pertinent sur les postes qui comprennent des problématiques de résolution de problèmes et d’amélioration continue, c’est-à-dire dans de nombreux métiers et de multiples secteurs !
Et dans les TPE-PME : Dans ces organisations qui exigent la polyvalence, l'autonomie, l'agilité ou les problèmes sont fréquents et impondérables, comment imaginer disposer de collaborateurs incapables de prendre des décisions rationnelles et pertinentes dès qu'un fait nouveau se produit ? impossible... A tout moment, une mauvaise décision peut mettre l'entreprise en danger. C'est peut-être là le vrai problème de nos TPE-PME...
Développer son esprit critique
Tête bien faite ou tête bien pleine ?
Loin d’être inné, l’esprit critique se développe dès l’enfance via l’éducation, mais c’est en fait assez paradoxal. D’un côté, l’enseignement que nous recevons dans notre jeunesse a pour but de nous mettre à disposition, via l’apprentissage, des savoirs, des connaissances - le contenu -, et de l’autre, une véritable éducation doit nous permettre de construire cette machine à penser par nous-même - le contenant -, afin de ne pas réduire l’éducation à un simple formatage… C’est pour cela notamment que, dès l’école, on nous introduit à la philosophie, à la dissertation...mais pas assez aux débats d’idées et aux échanges contradictoires afin de nous inciter à l’analyse et au discernement.
Le savoir et la méthode
D’un côté, le savoir, donc, et de l’autre côté, un outillage pour pouvoir penser. En effet, si la pensée critique nécessite une réelle méthode pour fonctionner, elle doit s’appuyer sur des compétences et connaissances théoriques solides dans la discipline pour pouvoir s’exercer (si vous ne maîtrisez pas une science, difficile d’émettre un avis sur des travaux de recherche dans cette discipline).
À l’origine de la méthode, il y a le doute comme garde-fou à nos pensées hâtives et nos croyances. S’autoriser à douter est une pratique autocorrective qui nous évite de tomber dans bien des pièges. Le Philosophe Alain, dans ses propos sur le bonheur, le rappelle, le doute est essentiel pour raisonner de manière impartiale ! « Le principe du vrai courage, c’est le doute. L’idée de secouer une pensée à laquelle on se fiait est une idée brave. Tout inventeur a mis en doute ce dont personne ne doutait. C’était l’impiété essentielle ».
Pour faire preuve d’esprit critique dans vos prises de décisions individuelles ou collectives, quelques étapes intéressantes et éclairantes :
- Formalisez et énoncez clairement la problématique à l’oral ou à l’écrit. Par exemple, admettons qu’il y ait des insatisfactions au sujet du logiciel avec lequel travaille votre équipe. Est-ce que les gens râlent pour râler ou l’outil ne remplit-il réellement pas le cahier des charges ? Dans le fond, quelles sont vos exigences quant à cet outil ? Quelle est sa finalité, quel service doit-il rendre, et pourquoi le logiciel en place ne semble plus forcément satisfaire les utilisateurs ?
- Collectez des informations pour saisir les différentes facettes de la question. Dans notre exemple : quels sont les autres logiciels existants qui rendraient des services similaires ? Quels sont les attributs et les inconvénients de ces outils ? Mais aussi : quel serait le coût d’un autre outil, le temps et l’énergie à investir dans un changement, les répercussions sur l’équipe et les clients ?
- Vérifiez la véracité des sources d’information. On peut réfléchir aux éventuels freins et peurs mis en avant par les équipes dans le changement d’outils qui pourraient biaiser la décision. Le discours marketing des vendeurs de services peut aussi cacher des défauts sur les outils et mal orienter le choix. À cette étape, on essaie de discerner les faits objectifs des interprétations, subjectives
- Confrontez les points de vue en interagissant avec les autres parties prenantes. Pourquoi ne pas par exemple échanger avec d’autres utilisateurs du nouveau logiciel envisagé, ou faire une réunion d’équipe sur la question pour récolter les avis de tous ?
- Analysez les arguments pour chacune des options et les conséquences qu’elles pourraient avoir sur les décisions à prendre. Enfin, on pourrait par exemple faire un tableau des options et compter les arguments “pour” et les “contre” afin de hiérarchiser les solutions avant de trancher.
Plus vous pratiquerez la pensée critique, plus la méthode s’ancrera en vous et s’automatisera. Il est important de rester particulièrement vigilant pour déjouer les pièges de la pensée. Notre cerveau nous mène parfois par des raccourcis que l’on appelle aussi biais cognitifs. Ces biais agissent comme des illusions d’optique sur notre pensée, nous faisant tomber dans des erreurs de raisonnement assez fréquentes. Les connaître, c’est aussi se donner la chance de les éviter.
Finalement, utiliser son esprit critique ne serait pas plus un devoir qu’un droit ? Face aux pièges de la pensée, oser formuler que la solution proposée ne soit pas nécessairement la seule bonne option est une démarche exigeante mais constructive. En faisant appel à votre esprit critique, vous disciplinez et musclez peu à peu votre pensée, faisant de cette soft-skill votre meilleur allié pour toutes les décisions stratégiques de votre vie personnelle mais aussi professionnelle.
Expertys propose aujourd'hui aux TPE-PME de mesurer le niveau de pensée critique de leurs collaborateurs car une tête bien remplie c'est bien, une tête bien faite pragmatique et rationnelle, c'est mieux !!! Nous aidons aussi les entreprises à développer l'esprit critique de vos collaborateurs (intelligence collective, échange contradictoire, amélioration continue). Et gardez à l'esprit que les tests de raisonnement ou d'intelligence ne renseignent absolument pas sur la pensée critique...
Source : https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/esprit-critique-entreprise