Le premier constat, plutôt optimiste de la part des chercheurs, est que le marché du travail a bien résisté à la crise et au choc violent qu’a infligé notre économie. Par exemple, le taux d’activité, ou le nombre de personnes inactives, est revenu aux niveaux d’avant la pandémie. La France n’a pas de phénomène de grande dépression ou de “grande résignation” comme aux Etats-Unis. Lorsque le prix Nobel d’économie, Paul Krugman, louait il y a quelques semaines la résilience de l’économie française, il l’affirmait en partie à travers le recours au chômage partiel.
Un constat confirmé par François Fontaine et Roland Rathelot dans leur étude. En effet, ces chercheurs estiment que le gouvernement a eu raison d’introduire massivement le chômage partiel pendant la crise, mais aussi aujourd’hui, pour les secteurs les plus fragilisés. Cet instrument a permis de maintenir l’emploi et de ne pas rompre le lien entre les travailleurs et les entreprises. Ils notent que les actifs du bénéficiaire ont : “une plus grande chance de se retrouver au chômage, ou dans une autre entreprise” Ils ne sont ni stigmatisés ni punis sur le marché du travail.
Responsabiliser les entreprises en matière de mutualisation des activités
Cependant, les chercheurs du CAE soulèvent une mise en garde importante : l’activité partielle a jusqu’ici profité aux entreprises les moins performantes… Il faut donc être vigilant à l’avenir, selon eux, et cette politique publique – coûteuse pour l’Unédic, car elle représente près de 15 milliards d’euros entre 2020 et 2022 – ne subventionne pas les entreprises qui ne sont pas performantes. Les effets d’aubaine doivent également être évités.
Ils proposent donc d’intégrer l’activité partielle dans le système de bonus-malus, qui vise à pénaliser les entreprises qui utilisent des contrats à court terme au lieu de contrats à long terme.
Basé sur les dépenses de l’assurance chômage, ce dispositif viserait également à responsabiliser les entreprises sur le recours à l’activité partielle. Une recommandation essentielle, car ils estiment que le recours au chômage partiel va probablement disparaître et être une solution aux chocs de nos économies.
Cependant, les auteurs notent que le chômage partiel devrait être étendu à tous les secteurs et à toutes les entreprises, y compris les plus petites, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Des tensions de recrutement pas plus fortes qu’avant la crise
L’autre enseignement de leur étude est une véritable surprise. Contrairement au discours dominant, les chercheurs relativisent les problèmes de recrutement dont se plaignent les entreprises. Pour eux, les tensions dans certains secteurs – comme l’hôtellerie, la restauration – sont anciennes et dues à des problèmes de niveaux de salaires, de conditions de travail, etc. La crise n’a pas forcément accru les problèmes d’adéquation de l’offre et de la demande : ils sont stables depuis une décennie. .
En revanche, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas les traiter, car c’est bien à cause de cette inadéquation que la France a encore un taux de chômage élevé, bien supérieur à ses voisins européens.
La formation professionnelle, une solution qui doit rester ciblée
Mais pour les chercheurs, l’effet d’un recours massif à la formation professionnelle, souvent présenté comme un remède miracle, doit être pesé. “Pour augmenter l’impact sur l’emploi, la formation professionnelle devrait être concentrée sur les groupes les moins qualifiés et les plus éloignés de l’emploi, plutôt que d’augmenter son volume”, ils écrivent. C’est-à-dire les non-diplômés, les jeunes en grande difficulté d’insertion, les seniors au chômage de longue durée, etc.
Nul besoin d’élargir encore le public à former, d’autant que les coûts en la matière sont importants : plus de 15 milliards d’euros ont déjà été déployés depuis le plan d’investissement dans les compétences lancé sous le quinquennat de François Hollande.
Selon eux, il y a surtout urgence à mieux accompagner les entreprises dans leur recrutement. Ils se concentrent principalement sur les plus petits, qui n’ont pas toujours de service des ressources humaines. Ils ont donc du mal à évaluer les compétences des candidats et à apprécier la bonne adéquation avec le poste ou l’environnement de travail proposé.
Faut-il y voir une critique en demi-teinte de Pôle emploi ? Une chose est certaine, le service public est loin d’être optimal. Les auteurs de l’étude estiment donc que l’agence gouvernementale pourrait organiser un marché d’accompagnement des entreprises qui mettrait en concurrence plusieurs prestataires. Les entreprises pourraient les choisir sur la base de critères publics et transparents. Ils seraient mieux guidés et la connexion avec les demandeurs d’emploi serait meilleure.
Si la récente réforme de l’assurance-chômage a permis d’intensifier la recherche de candidats, cela risque de ne pas suffire, estiment les chercheurs. Il faut donc aller plus loin, en se mettant du côté des entreprises qui accompagnent. De quoi donner des idées aux candidats à l’Elysée.
Source : Pour baisser le chômage, mieux vaut accompagner les entreprises plutôt que de massifier la formation - Economie (alhayat-life.co)