« Je vous promets de la sueur, du sang et des larmes ». Le discours mémorable à la chambre des communes de Sir Winston Churchill pendant la guerre 39-45 aurait trouvé peu d’écho à notre époque. Alors pourquoi donc ?
Rappelons-nous d’entrée les principes de notre très chère société consumériste qui a beaucoup objet de décortiquer le comportement humain pour arriver à ses fins : c’est-à-dire vous (re)vendre… Leur conclusion : Une personne achètera vos produits ou acceptera de changer si vous lui minimisez ses efforts et que vous maximisez son plaisir (indépendamment du prix). Si je veux changer de coiffeur, par exemple, ce n’est pas parce qu’il coupe mal mais parce que je fais l’effort de devoir trouver une place de parking, me contraindre à prendre rendez-vous à l’avance et supporter un environnement un peu « has been » … ce qui déclenche chez moi un besoin inconscient de nouveauté. Chez le nouveau coiffeur, rien de tout cela : parking en face toujours libre, il prend sans rendez-vous et, en plus, sa décoration est « top ». Je suis ouvert au changement de manière consciente car on me limite mes efforts de manière inconsciente. En conclusion, la société de consommation s’évertue à nous limiter nos efforts chaque jour un peu plus dans l’espoir de nous donner envie d’acheter. Tout ceci impacte forcément et fortement nos cerveaux à la longue…
Il faut se rappeler que consommer aujourd’hui c’est jouir de quelque chose dont nous avons rêvé mais dont nous nous désintéressons finalement assez vite dès l’instant où nous le possédons …ou est l’effort dans tout cela ? On nous montre rarement les heures d’entraînement durant 10 ans du sportif qui devient champion olympique. On nous rappelle peu qu’il y a beaucoup de prétendants et peu d’élus. Par contre, on nous montre le plaisir du titre, l’aura, l’argent et la sensation que tout est possible pour chacun d’entre nous car, après tout, si lui l’a fait…pourquoi pas moi ??? Nous voulons la récompense et pas les efforts. Nous désirons la victoire uniquement, pas le combat. Et c’est là le problème.
La recherche de la jouissance et du plaisir immédiats dans notre société moderne est incompatible avec la notion d’efforts qui nécessite une projection sur le plaisir que nous éprouverons ensuite, ça nécessite du raisonnement, de l’imagination et de la rationalité… Si nous sommes mus par nos seules pulsions et émotions du moment, difficile d’agir dans la durée et de faire preuve de persévérance…
En outre, qui a dit que l’être humain était naturellement paresseux ? Il est utile de rappeler que la définition de la paresse donnée dans le Petit Robert : « c’est le comportement d'une personne qui évite l'effort ». Le cerveau de l'être humain est automatiquement attiré par l'oisiveté, la paresse et les comportements sédentaires plutôt que par l'activité physique. Voilà ce que révèle une récente étude internationale à laquelle a participé le neuroscientifique Matthieu Boisgontier, chercheur à l'Université de la Colombie-Britannique, et dont les résultats ont été publiés dans la revue Neurophysiologia. Il ressort de cette étude qu'il est très difficile de se débarrasser de cette attirance pour la paresse car elle est profondément ancrée dans le cerveau humain depuis des dizaines de milliers d'années. L'intention consciente de bouger perd le combat contre une tendance automatique à rechercher le statu quo, une forme d’homéostasie. Tout est dit.
Notons tout de même que nous avons tous notre propre définition de l’effort en fonction de nos attentes, de nos besoins propres et de nos propres capacités. Celui qui aura l’oreille musicale et un bel organe vocal aura moins d’efforts à faire pour remporter la « star Act ». Idem en fonction de sa capacité à mémoriser les paroles, de sa capacité d’apprentissage, à gérer son stress, etc…en clair le niveau d’effort pour atteindre tel ou tel objectif n’est pas le même pour tout le monde. Si vous voulez fournir le moins d’effort possible tout en cherchant à obtenir le meilleur résultat possible, commencez déjà par mieux vous connaître et notamment identifiez vos talents ou vos non talents, acceptez-le (le plus dur peut-être…) et choisissez vos objectifs en conséquence.
Les efforts proviennent d'une motivation interne et provoquent un plaisir intérieur plus important et plus long que le simple désir, la jouissance provoquée par l’obtention du résultat. Parlez-en aux sportifs de haut niveau. Ce sont ces derniers « sens de l'effort » qu'il faut, à mon sens, développer chez l'enfant. L’éducation y est pour beaucoup et qu’elle soit à l’école ou à la maison. Nous pourrions dire aussi que faire un effort consiste à résoudre une difficulté ou parvenir à un objectif et donc finalement donner du sens à une action (le plaisir comme récompense de l’effort).
Il est important de se motiver pour cela : cela suppose en effet que l'on soit capable d'imaginer le résultat, le plaisir que l'on éprouvera après. Le souci c’est que là encore nous ne sommes pas tous égaux. Certains ont de l’énergie naturelle qui leur permettent de s’automotiver, d’autres pas. Savoir se dépasser, relever les défis en acceptant et en surmontant les difficultés, ça c’est quand on est pourvu naturellement d’énergie sinon il faut espérer que l’environnement et/ou d’autres personnes vous fourniront cette énergie vitale nécessaire pour faire des efforts…ou pas.
Alors comment faire pour se (ré)habituer à faire des efforts et développer moins de frustrations futures en l’absence de résultat ? Un début de réponse est apporté par Mark Manson dans le best-seller « l’art subtil de s’en foutre ». Il insiste sur le fait qu’il n’est pas toujours bénéfique d’éviter la souffrance parce que la douleur contribue d’une certaine façon au bien-être ». En clair c’est le parcours obligé car la jouissance est à la mesure de l’effort consenti. Au final, il théorise sur le fait que ce qui finalement détermine notre succès n’est pas « qu’est ce qui te ferait plaisir ? » La question pertinente est davantage : « quelle souffrance veux-tu endurer ? Qui n’a pas envie d’un physique de rêve ? Sauf que tu ne l’obtiendras pas sans passer des heures au club de sport, sans calculer tes rations alimentaires et apports caloriques 365 jours par an.
Conclusion : avant de faire rêver et fixer des objectifs que tu n’atteindras jamais, faisons réfléchir avant la personne aux efforts qu’elle est prête à consentir. Ce sont des principes qu’on retrouve par exemple en management. Lorsqu’on recadre quelqu’un, on lui explique ce qu’on attend de lui et les avantages qu’il en retirera s’il adopte une autre attitude plus positive. Ni plus, ni moins que le principe évoqué précédemment : on l’aide à visualiser les bénéfices qu’il en tirera s’il décide de faire…des efforts. CQFD…
L'effort est donc associé à une récompense : une récompense intrinsèque (le fruit même de mon effort me fait plaisir), parfois une récompense extrinsèque (une parole de félicitation, de remerciement, une récompense matérielle, médaille…), une récompense psychologique (l'estime de soi, la confiance en soi, le sentiment du travail bien fait). Un moniteur de ski m’expliqua un jour : « le plus important c’est que la personne puisse glisser rapidement et qu’elle ressente rapidement du plaisir. Le reste c’est sans importance. Il se dira : merde, c’était génial, j’ai envie de continuer pour ressentir plus de plaisir encore. » Tout est dit !!! À nous de faire évoluer les méthodes pédagogiques afin que l’effort soit récompensé rapidement par du plaisir…
Si vous souhaitez vous former autrement et vous sentir mieux par une approche managériale pragmatique, adaptée et ciblée, rapprochez vous de nous…